1. |
Silentium Dei
04:34
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Viendra-t-elle à moi, cette blanche Sylphide,
Apaiser mes douleurs dans le lait de ses bras ?
Ira-t-elle me rejoindre en cette ombre apatride
Où les frimas murmurent vers les courroux ingrats ?
Et dardant vers le ciel son drapeau erratique,
Les étoiles nageant dans le fond de ses yeux,
Survint de l'infini cet atroce cantique :
La sentence sublime du silence de Dieu.
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2. |
Consolamentum
07:20
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Apaisé je prendrai les ailes du cosmos
Et me poserai fluide par delà l'éternel
Écumant de mes plumes le ventre de Phobos
Jusqu'à faire éclater les étoiles du ciel !
Apaisé j'entendrai le vertige divin
Et ses notes de verre dont la nimbe perlée
Pianotera la tige chevauchant les ravins
Sous les voiles ravies et les rives voilées,
Sous l'ivresse alanguie où l'orfèvre dérive,
Sous l'étoile qui dort et la forêt filante !
Je toucherai enfin, nageant parmi les grives
Des célestes dessins, ces figures qui chantent -
Ô fiers paysages alourdis de velours !
Embrassant l'univers de ma bouche éblouie
Sous le froid menuet de l'absolu silence ;
De mon lit sans lueur, les limaces enfouies
S'éliment en sueur dans les siècles immenses.
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3. |
Héraut aux balafres
07:20
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Les ogres aussi pleurent : et leurs orbites vibrent
Sous l'épreuve embrasée que de brutaux calibres
Versent en s'éloignant, emportant avec eux
La pointe taciturne des tumultes radieux
Qui ornent nos attentes et balafrent nos verbes
Lorsque le cœur soudain lance sa strophe acerbe :
La scansion de ses psaumes, le baume des dictions
À l'heure où les fantômes dans leur déréliction
Dévorent les chagrins dans un dernier soupir ;
Sens son sang ciselé là où l'ogre respire,
Tandis que le soleil craquait sa coque amère
Et vidait tout son jaune sur l'écorce des mers.
L'espoir amouraché de tes nuits arrachées
Se mêlant dans les aubes des promesses crachées ;
Dis-moi dans un silence que le gouffre dégèle,
Que mes larmes s'étouffent, que ma douleur est belle !
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4. |
Une Charogne
06:17
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Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses.
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
De Charles Baudelaire, in Les Fleurs du Mal
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5. |
Nous enfants de personne
04:44
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Bénis soient-ils, ces jours qui sillonnent leur laine
Sur les minuits polaires dont les bottes résonnent
Dans les murs de nos geôles, nous enfants de personne,
Amour chair amour sang amour strié d'haleines
Par ces rasoirs tranchants comme l'envol d'une aile
De papillon perdue dans la chair bouillonnante -
Et fluide de ta brume, si réelle et si lente
Qu'elle retombe assoupie dans l'encens rituel,
Dans l'immense tombeau du ciel torride ;
Dans les sourdes archives qui étouffent la faim ;
Entre leurs doigts plantés sous les vibrants ravins
De ces nues tout là haut où gouverne le vide.
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6. |
La Prunelle des éveillés
06:36
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Ses sourcils égarés dans l'immense fissure,
L'Homme naquit ; le front plissé en cet azur,
Il cria : « Dieu ! Suivant les clartés de ton mot
Je quittai l'edelweiss pour des songes plus hauts :
Célébrant ton chant, ô navire sans pareil
Dans la plaine béante où fanent nos soleils ;
Mais sauras-tu lire l'ire du délire de ma lyre,
Où les astres vrombissent, où les lunes chavirent ?
Là où l'hymne s'efface de l'antique demeure,
Entends-tu ce cantique et sa sourde fureur ?
Tu vere Deus absconditus eras
Deus cosmi, Deus astrorum
In omnias res et in petto te video
Ab aeterno, ad astra.
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7. |
Le Bruit du Temps
08:13
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Ténèbre palpitante sur les ravins fuyants ;
Tes lèvres qui respirent ont le goût de la lune,
De tes mains l'eau jaillit dans l'écho taciturne
Comme un thorax enflé que nul jamais n'entend
Contre l'heure ennemie et ses lentes saisons,
Tandis que l'oubli fait tomber sa chevelure
Dans un strident vacarme sur les vagues figures
Qui s'interrogent encore pour chercher une raison
De vivre sur la terre comme au ciel, sans qu'un mot
Leur signifie qu'un jour il leur faudra mourir ;
Égrenant des morceaux de langue, d'un sourire,
Sous l'éclatée paupière dont les vastes rameaux
Jusqu'au matin soupirent ; souples fragments d'éther
Forgés de douleurs fines, dans le ciel et la terre.
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